NOTAIRES
ET
MINUTES NOTARIALES
Quelques définitions : |
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Qui étaient donc les
habitants de la région de Montmorin dans les siècles passés, que faisaient-ils,
comment vivaient-ils et comment ont-ils réagi aux grands événements historiques
dont les échos ont dû parvenir jusqu'à leurs villages?
Les registres paroissiaux,
ou registres de catholicité, ne nous donnent pratiquement aucune réponse à ces
questions, sauf parfois la mention d'un métier : tisserand, ou laboureur, ou
manouvrier...
Laissons de côté, pour
l'instant, les réactions éventuelles de nos aïeux aux bouleversements
historiques que nous ne pourrons percevoir qu'à travers les procès-verbaux des
assemblées villageoises, et divers autres documents...
Par contre, pour mieux
connaître ceux qui nous ont précédé et les suivre dans leur vie quotidienne, il
faut consulter les minutes notariales, à
condition qu'elles existent encore et qu'elles aient été déposées aux Archives
Départementales. Certains notaires détiennent toujours les minutes anciennes de
leurs études et mettent peu d'empressement à les communiquer.
La question primordiale qui
se pose alors, et à laquelle il n'est pas toujours aisé d'apporter une réponse,
est de savoir quel était le notaire, ou plutôt quels étaient les notaires, de
notre famille. En effet, l'expérience nous apprend que l'on ne s'adressait pas
obligatoirement au notaire résidant dans la localité, ni même, dans certains
cas, à celui du bourg le plus proche. Pourquoi? Pour des raisons qui nous
échappent, peut-être des problèmes d'intérêt, ou d'antipathie...
Si l'on a la chance de
trouver le notaire de ses ancêtres et si les minutes dudit notaire ont été
assez bien conservées, il est alors possible de lever un coin du voile qui nous
cachait les activités, la situation matérielle et financière, les querelles,
les espoirs et parfois, hélas, les désespoirs et les douleurs de nos prédécesseurs.
Il est bon de savoir que,
dans les siècles passés, on s'adressait constamment et pour tout au notaire,
habitude que nous avons en partie perdue aujourd'hui. Rien ne pouvait se faire,
se décider, se conclure sans un acte notarié, quelquefois de deux ou trois
lignes seulement, dont on emportait généralement la grosse pour servir de
preuve éventuelle. Ce qui avait été dit et décidé était transcrit et
enregistré, on disait alors insinué,
on ne pouvait le nier ni revenir sur cette décision; à moins, cela va se soi,
de faire dresser un nouvel acte modifiant ou annulant le précédent qui était
alors dit cancellé.
Les notaires jouaient donc,
comme on peut le constater, un rôle important dans la vie sociale et économique
du village.
Selon Plutarque (49-140),
Cicéron (106-43 av. J.-C.) inventa la tachéographie, ou art d'écrire aussi vite que l'on parle, à
l'aide de notes ou d'abréviations. On prête également à Sénèque (2 av. J.-C.-
65 ap. J.-C.) la mise en forme et le classement alphabétique de ces notes.
Dans la Rome antique, de
nombreux esclaves ou affranchis pratiquaient cet art; et on donna le nom de
notaires à ceux qui utilisaient ces notes.
D'après Furetière
(1619-1688), auteur d'un Dictionnaire
universel, les notaires ont été ainsi nommés parce qu'anciennement ils
écrivaient par notes ou écritures abrégées, une lettre signifiant un mot
entier.
Mais qui étaient ces
notaires?
Actuellement,
un juriste peut définir le notaire comme « un officier ministériel établi pour conférer
l'authenticité aux actes instrumentaires, en conserver le dépôt et délivrer des
grosses et des expéditions, pour le règlement des successions, et,
accessoirement, exercer le rôle de conseiller et de gérant des fortunes. »
(Trésor de la langue française). Cette définition pourrait certes s'appliquer
aux notaires des XVIe, XVIIe et XVIIIe
siècles, cependant il faut la nuancer quelque peu.
Avant le IXe
siècle on désignait sous le nom de référendaires ceux qui remplissaient des fonctions proches de
celles des notaires et, après Charlemagne (742-814), on les appela substituts
du chancelier. Puis les secrétaires des juges s'attribuèrent ces fonctions,
Saint-Louis, ou Louis IX,(1214-1270) donna aux soixante secrétaires des juges
parisiens le titre de notaires au Châtelet, habilités à instrumenter dans tout
le royaume; sous le règne de Philippe III le Hardi (1245-1285) ils prirent
l'habitude de se désigner sous l'appellation : notaires royaux. Philippe IV le
Bel (1268-1314) retira aux juges la possibilité de faire rédiger des contrats par
leurs secrétaires; pour les remplacer il institua des charges de tabellions
royaux dans les pays de droit coutumier et de notaires royaux dans les pays de
droit écrit, et il décida de nommer lui-même ces tabellions et ces notaires.
Les actes étaient dressés
sur des feuilles volantes, ce qui posait de nombreux problèmes aux usagers.
Louis XII (1462-1515) contraignit les notaires et tabellions à tenir des
registres. Les notaires dressaient des actes que les tabellions, institués au
XVe siècle, scellaient et
dont ils délivraient des grosses aux intéressés, les minutes étant conservées
par des garde-notes, créés en 1575.
Cette situation, un peu
compliquée, se prolongea jusqu'à Henri IV (1553-1610) qui décida de supprimer
les tabellions et les garde-notes et de les remplacer, en 1597, par des
notaires-tabellions-garde-notes héréditaires, qui ne se différenciaient guère
des notaires royaux; ceci facilita les confusions et favorisa l'amalgame qui
fut officialisé par l'édit de février 1761.
Les notaires, avant la Révolution,
se subdivisaient en trois corps distincts : les notaires royaux qui exerçaient
dans le ressort d'une justice royale déterminée sans possibilité d'en franchir
les limites, sauf pour les notaires au Châtelet de Paris, attachés depuis le
XIIIe siècle au tribunal du prévôt, qui étaient autorisés à
instrumenter dans tout le royaume; Charles VI (1368-1422) leur permit de placer
sur leurs maisons l'écusson royal qui, par la suite, fut remplacé par les
panonceaux. Les notaires seigneuriaux ne pouvaient dépasser les bornes d'une
justice seigneuriale dans laquelle, en principe, les notaires royaux ne
pouvaient exercer; et les notaires apostoliques, placés sous la dépendance des
évêques, étaient censés n'instrumenter que dans le domaine ecclésiastique (bénéfices),
domaine dont ils sortaient de temps à autre et ce au grand dam, parfois, de
leurs clients, comme nous le verrons.
Dans la province du
Dauphiné, les notaires royaux se paraient du titre de notaire royal
delphinal.
Seul un office de notaire au
Châtelet de Paris permettait de ne point déroger à la noblesse, selon un édit
de 1673.
De nombreux notaires, en
Dauphiné par exemple, étaient protestants; un édit de juillet 1682, qui
laissait présager celui d'octobre 1685 révoquant l'édit de Nantes, obligea les
notaires à professer la religion catholique, apostolique et romaine.
En 1791, les notaires royaux
devinrent des notaires publics et les notaires seigneuriaux furent supprimés,
ainsi que les notaires apostoliques, dont une partie des attributions
concernant les bénéfices avaient déjà été délégués aux notaires royaux, en
1691.
La loi du 25 ventôse an XI
(16 mars 1803) fixa les structures et le mode de fonctionnement du notariat.
On
appelle minute (latin médiéval minuta : écriture menue) l'original des actes reçus par les
notaires; en application de la loi du 25 ventôse an XI les notaires sont tenus
de conserver minute de tous les actes qu'ils dressent, sauf ceux ne contenant
que des déclarations unilatérales. A partir des minutes des actes exécutoires
de plein droit, le notaire délivre aux parties intéressées uniquement des grosses, ou expéditions
sur papier timbré. Selon l'édit du 4 septembre 1706, la grosse doit
comprendre 25 lignes à la page et 15
syllabes à la ligne. La minute fait foi, jusqu'à preuve contraire.
Seule une étude figure en 1576 et les années
suivantes dans les listes des notaires de Montmorin, nous ne disposons donc que
des minutes, et avec d'énormes lacunes, d'une étude alors qu'une lecture
attentive des documents révèle qu'à la fin du XVIe siècle et au
début du XVIIe Montmorin comptait deux, peut-être même trois,
notaires dont les registres ont disparu au cours du temps. Par contre, le
notaire instrumentait dans les villages voisins dépourvus d'étude notariale.
Le dépouillement des minutes notariales
anciennes est une tâche fort longue et astreignante. C'est un travail
considérable mais passionnant!
Chaque chercheur possède sa
méthode personnelle pour faire des relevés. Qu'il soit bien clair qu'il ne
s'agit pas de recopier les minutes in extenso, ni même d'en faire un résumé
plus ou moins succinct; une minute peut se réduire à une seule ligne ou
comporter plus de quinze ou vingt pages. D'autre part, les sujets traités dans
ces minutes sont extrêmement variés; cela va de la simple quittance très brève
à des associations, des fermages, des contrats de mariage, des testaments, des
transactions avant procès, des déclarations de grossesse, etc., aux clauses
multiples et compliquées.
Devant la difficulté que
présentait un relevé sur papier libre, il nous a paru plus simple d'utiliser un
cadre afin de gagner du temps et de me simplifier la tâche. Quelques
tâtonnements et quelques tableaux successifs nous ont permis d'en mettre un au
point, qui n'est peut-être pas parfait mais qui nous donne entière
satisfaction. Il a été possible de relever, grâce à ce procédé, plusieurs
milliers de minutes avec une relative rapidité. Il est parfois plus délicat et
plus long de résumer l'objet de la minute en vue d'une saisie informatique
condensée que d'en reporter l'essentiel de l'original au cadre.
Le déchiffrage des minutes,
outre la difficulté inhérente à l'écriture proprement dite et aux nombreuses
abréviations, contraint le lecteur à effectuer des recherches dans des domaines
fort différents; recherches qui, quelquefois, peuvent ne pas aboutir. Le tout
premier problème auquel se heurte le chercheur est celui de la langue.
A compter de l'ordonnance de
Villers-Cotterets (10 août 1539) le français remplaça peu à peu le latin dans
les actes officiels. Les minutes notariales de Montmorin conservées aux
Archives Départementales commencent en 1576 et sont donc rédigées en français,
mais un français un peu différent du nôtre, celui que l'on parlait du XVIe
siècle au XVIIe, agrémenté de
nombreuses expressions dialectales. En effet, si le notaire, ou son clerc,
utilisait la langue française pour dresser des actes authentiques, dans la vie
de tous les jours il n'employait que la langue régionale ou le dialecte local,
et des termes appartenant à cette langue ou à ce dialecte, et désignant des
réalités propres au terroir, apparaissent dans la rédaction de la minute; et
c'est normal, les villageois et probablement le notaire ignorant les termes
français correspondants; par exemple : anouge (agneau, ou agnelle, d'un an), chasal (masure, maison en ruine), fée (brebis), herme (lande,
friche), paiches (contrat), plege (caution, garant)...
Il a donc fallu trouver le
sens de quantité de locutions ou de mots familiers à nos ancêtres dans ce petit
territoire aux confins du Dauphiné et de la Provence, qui commence à un jet de
pierre de Montmorin; mais ce provençal avec une légère teinture dauphinoise a
évolué, comme le font toutes les langues, depuis le XVIe siècle, et
les dictionnaires modernes ne permettent pas toujours de résoudre la
difficulté.
En
dehors des termes concrets désignant des animaux, des végétaux ou des objets,
et dont la signification n'est parfois pas très facile à appréhender, il est
bon de se familiariser avec les unités de mesure, les espèces numéraires ayant
cours et la monnaie de compte. Si les espèces numéraires avaient, en principe,
une valeur reconnue; les mesures de longueur, de superficie et de capacité, par
contre, variaient pratiquement de village à village et l'on prenait grand soin
de préciser, dans chaque minute : mesure de Montmorin, ou mesure de Bruis, ou
mesure de Sainte-Marie...
Voici, à titre d'exemple,
les principales mesures utilisées à Montmorin :
begue :
mesure de superficie utilisée pour les prés uniquement, ne figurant dans aucun
ouvrage et provenant vraisemblablement du provençal beguado : charge, ce que porte une bête de
somme, ne s'emploie que pour le fourrage ou les plantes légumineuses;
cétoirée, cétérée, sestoirée : environ 11,40 ares de terre arable;
fossoyrée, fossorée : environ 4 ares de vignobles;
homme à fosser (fouir, bêcher) : cf fossoyrée;
journée
: surface de terre qu'une charrue peut labourer en un jour;
charge, saumée, sommée : mesure de capacité correspondant à la charge d'une bête de somme, en
principe un âne ou une ânesse;
eymine, émine, éminée : semence nécessaire pour une superficie de 12 à 14 ares environ, et
valant de 8 à 12 civayers,
selon les lieux.
Il convient de préciser que
l'évaluation de la superficie d'une terre ne se faisait pas à l'aide de mesures
de superficie mais à raison de la quantité de semence nécessaire pour
ensemencer ladite terre, on parlait donc d'un
chenefvier
(champ de chanvre) de 2 civayers de semence, ou d'une terre de 3 eymines de
semence, en précisant de quelle semence il s'agissait : chanvre, blé froment,
orge... On n'évaluait pratiquement jamais la superficie d'une terre en fonction
du rendement qui demeurait toujours assez aléatoire.
Le rapport entre la monnaie
réelle, ou espèces numéraires, et la monnaie de compte, fictive, n'était pas
constant. Ce rapport était fixé par un édit du roi. La monnaie de compte était
utilisée uniquement pour les transactions, elle ne comportait pas de pièces de
métal, contrairement à la monnaie réelle.
La monnaie de compte, connue
en Dauphiné depuis 1425 et obligatoire à partir de 1551 (Henri II), comprenait
la pistole et la livre. La livre parisis, valant 25
sous, ne fut plus utilisée comme monnaie de compte dès 1667; seule la livre tournois, valant 20
sous, apparaît dans les minutes de Montmorin, ainsi que les monnaies suivantes
:
pistole
: monnaie de compte valant 10 livres; les pistoles, à l'origine, provenaient
soit d'Espagne, soit d'Italie;
ducat :
monnaie frappée dans un duché (en premier, semble-t-il, celui de Ravennes, puis
celui de Venise), le ducat d'or valait 2 écus et le ducat d'argent 1 écu;
écu :
monnaie valant 3 livres;
florin
: monnaie d'or émise en premier à Florence, puis en divers pays, ce qui
explique les variations de sa valeur; le florin de Savoie, que l'on trouvait à
Montmorin, valait 12 sous tandis que le florin d'Italie valait de 20 à 25 sous;
livre :
monnaie de compte valant 20 sous ou 1 franc;
sou, sol
: 12 deniers;
liard :
3 deniers;
gros (monnaie
provençale) : 4 liards ou 8 patacs1;
denier
: 2 mailles ou 2 oboles ou 4 pites (la maille, l'obole
et la pite ne furent plus que des monnaies de compte à partir du début du XVIIIe
siècle);
louis :
date de la fin du règne de Louis XIII, sa valeur passa de 10 livres à 11
livres, puis 12 livres et même 24 livres sous Louis XVI (monnaie d'or).
Il existait encore de
nombreuses monnaies, comme le gros
écu d'argent valant 6 livres, ou le douzain de cuivre valant 1 sou et le sizain de cuivre valant 6 deniers. Les
douzains et les sizains sont citées dans les minutes du notaire de Montmorin à
propos du remboursement d'une dette.
(1)
La monnaie en
cours actuellement à Macao est la pataca.
Comme on le constate
également dans les registres de catholicité, des lacunes peuvent être relevées
dans les minutes notariales : plusieurs mois, voire plusieurs années, font
quelquefois défaut. Parfois aussi un renseignement essentiel est omis; ainsi le
6 novembre 1630 dans un acte de vente le clerc, ou peut-être le notaire lui-même,
n'a point précisé qui, des deux contractants, est le vendeur et qui est
l'acheteur.
Que
trouve-t-on dans les minutes notariales? Le reflet de toutes les
préoccupations d'un individu quelconque ou d'une communauté dans son ensemble.
Passons rapidement en revue les principaux actes faisant l'objet d'une minute.
Le cas échéant, les exemples cités seront pris dans les environs immédiats de
Montmorin : Bruis, Sainte-Marie, l'Epine, Ribeyret...Ce qui ne signifie
nullement qu'une telle situation ne peut se rencontrer à Montmorin, mais que
les nombreuses lacunes n'ont pas permis d'illustrer ladite situation par un
exemple.
Le
contrat de mariage, ou paiches de mariage (du provençal pache : pacte, contrat),
est particulièrement intéressant car il permet d'avoir une vue assez précise de
l'état de fortune de chacune des deux familles contractantes; les parents
dotent plus ou moins richement les futurs époux et ces derniers se font, la
plupart du temps, un don mutuel en nature (bétail, bijoux pour la jeune femme)
ou en espèces.. Selon l'humeur du notaire ou du clerc, les formules
d'introduction des contrats de mariage peuvent varier; on peut passer d'une
présentation expliquant le but du mariage : ...comme soit ainsin qua loneur Gloire et louange de
dieu et pour laugmanta[ti]on de lumain lignage... à une rédaction plus
dépouillée constatant simplement que X a l'intention d'épouser Y et vice versa.
Cependant dans tous ces contrats, le notaire ne garantit nullement que le
mariage aura vraiment lieu, il dit seulement que le mariage a este traite et saccomplira dieu
aydant...!
Quelquefois, mais rarement,
le contrat de mariage était dressé après la consommation du mariage.
Parmi tous les contrats de mariage
dépouillés, quelques uns méritent de retenir l'attention. Le 18 janvier 1630,
Abel Meynaud et Marguerite Oberic se présentent chez le notaire avec tous leurs
parents et amis, mais Abel Meynaud est muet et illettré, il ne peut donc faire
part de son intention d'épouser Marguerite; ses témoins et conseillers (outre
les père et mère, des parents proches ou des amis doivent donner leur avis sur
l'union projetée) déclarent alors : attendu que le ledict abel maynaud est prive de la parolle ont promis
et prometent pour Icelluy quil prendra et esposera ladicte marguerite oberic
ainsin quilz cognoissent par les signes que ledict abel meynaud leur a faitz.
Avant 1668 les prêtres, à
Montmorin, ne tenaient aucun registre de catholicité, ni pour les baptêmes, ni
pour les sépultures, ni pour les mariages ou s'ils en tenaient ceux-ci ne sont
pas parvenus jusqu'à nous. Cela explique sans doute en partie que les futurs
époux, même les plus démunis, demandaient au notaire de dresser un contrat de
mariage, témoignage de leur union à venir.
Parfois, les intéressés
s'adressaient, pour des raisons qui nous échappent, non pas au notaire royal et
delphinal mais à un notaire apostolique et ce dernier, bien souvent, rédigeait
les minutes sur des feuilles volantes, au lieu de registres, et ne les
faisaient pas enregistrer ou insinuer. Ainsi le 25 juin 1606, Jean Bompar et
Jeanne Clementz, de Bruis, furent obligés de faire établir un contrat de
mariage par un notaire royal, celui dressé par le notaire apostolique 40 ans
auparavant n'ayant laissé aucune trace, et également de faire légitimer leurs
trois enfants! Il ne s'agit pas d'un cas isolé, la même mésaventure survint à
d'autres couples; par exemple le 12 décembre 1606, Jaume Pellissier et Claude
Baux, de Montmorin, mariés depuis 25 ans firent régulariser leur contrat de
mariage et légitimer leurs quatre enfants. Le notaire apostolique n'était pas
le seul responsable de ce type de désagrément, les guerres et les destructions
qu'elles causaient y avaient aussi leur part. C'est ce qui arriva à plusieurs
personnes, en particulier à Jean Laurens et à Catherine Abrard, de Bruis, dont
le mariage, précise le notaire, avait été traité et consumé environ 35 ans auparavant.
Il peut arriver que le
contrat de mariage soit résilié pour diverses raisons, l'un et l'autre des deux
promis reprenant sa liberté; on parle alors de département de paiches de mariage, département
vient de départir :
séparer.
L'enfant issu du mariage
pouvait devenir orphelin de père, ou orphelin de père et de mère. Le conseil de
famille choisissait un tuteur et le notaire dressait les paiches de tuture, ou
contrat de tutelle (provençal touturo
: tutelle). Le tuteur, ou la tutrice, assisté(e) de conseillers administrait
les biens du pupille et rendait compte de sa gestion à la fin de son mandat.
Cet enfant pouvait également
être placé en apprentissage chez un artisan qui devait lui enseigner son art,
ceci faisait l'objet d'un contrat d'apprentissage énumérant dans le détail les
droits et les devoirs de l'apprenti et du maître. Un autre acte notarié
constatait la fin de l'apprentissage.
L'édit de février 1556 avait
fixé l'âge de la majorité à 30 ans pour les garçons, ce qui pouvait, dans
certaines circonstances, présenter des inconvénients mais le père possédait le
pouvoir d'émanciper son fils, lequel durant cette cérémonie se tenait à genoux
entre les jambes de son père. Plusieurs émancipations figurent dans les minutes
notariales, entre autres celle de Pierre Faure, de Pommerol, fils de Bertrand,
que son père autorise à vendre, achepter, donner, tester..., le 08 juin 1607; et celle accordée
à Gaspar de la Rivière, sieur de Val-Sainte-Marie, le 06 février 1619, par son
père Claude de la Rivière, seigneur de Sainte-Marie.
Les
testaments sont nombreux, tout individu malade testait, n'eût-il que
quelques hardes à léguer. Les testaments, comme les contrats de mariage, sont
extrêmement intéressants mais d'un point de vue différent. Les contrats de
mariage, comme il est dit ci-dessus, sont précieux pour connaître, du moins pour
l'essentiel, l'état de fortune des deux familles; les testaments, par contre,
ne nous renseignent guère sur ce point, le testateur, ou la testatrice, lègue à
son héritier universel ses biens meubles et immeubles, ce qui ne veut pas dire
grand chose, mais tous les enfants vivants à cette époque sont cités et,
généralement, les époux des filles mariées également. Au cours d'une période
donnée, les formules utilisées au début des testaments sont stéréotypées,
l'intéressé est généralement malade et gisant en son lit detenu de
maladie corporelle, on précise bien qu'il est sain de memoire et entendement et qu'il est bien voiant oyant et entandant,
et considérant la misère de ce monde et la fatalité de la mort, il se recomande a nostre seigneur jesus
crist et après avoir demandé le pardon de ses fautes il espère voir colloquer son ame au royaume
celeste de paradis. Avant l'énumération de ses héritiers, le testateur
fait toujours un legs aux pauvres de la paroisse, soit une certaine quantité de
pain, soit une soupe de légumes accompagnée de pain, que son héritier universel
devra faire distribuer après les obsèques. On constate parfois que l'héritier
universel, c'est-à-dire celui qui hérite les biens meubles et immeubles, n'est
pas forcément le fils aîné, cela peut être un puîné, une fille, l'époux ou
l'épouse, voire un gendre... et lorsque le testateur est célibataire, le frère,
la soeur, les neveux et nièces ou d'autres personnes.
Quelquefois le testament
livre un détail pittoresque; le 19 juin 1629, Abram Jallabert, écrivain, lègue
tous ses biens à sa belle-mère mais il ne signe pas le testament, le notaire
note qu'il a dict ne se
pouvoir signer attendu quil a mal a la main, cela cachait-il quelque manoeuvre? Le détail est
parfois navrant, le 25 mars 1616, Jeanne Chabal, veuve, lègue ses biens à sa
petite-fille Magdeleyne Oberic, parce que son fils Arnoulx Joubert l'a
abandonnée depuis 8 ou 9 ans alors qu'elle était atteinte de viellesse et de caducité.
Les
donations entre vifs intervenaient fréquemment peu de temps après la
consommation du mariage ou juste avant de tester; mais aussi pour exprimer un
remerciement, le 07 février 1600 François Baup donne à Arnoulx Faure, son
gendre, un arbre noier
(noyer) en reconnaissance de ses bons et aymables services. Michel Jaubert et Phelippe Bernard, son
épouse, qui ont signé leur contrat de mariage le 03 mars 1578, procèdent à une
donation mutuelle entre vifs le 17 juin 1578.
Contrairement à ce que l'on
pourrait penser, et à ce que l'on trouve habituellement dans les registres de
minutes notariales, le notaire dont les minutes ont été dépouillées
n'enregistrait pratiquement aucun inventaire après décès dans lesdits
registres, ce qui est fort dommage car ces inventaires sont précieux pour le
généalogiste et l'historien. Ceci ne signifie nullement que ces inventaires
étaient inusités à Montmorin, le notaire utilisait vraisemblablement des
registres spéciaux pour les noter et les registres en question ont
malheureusement été perdus.
Lorsque des biens ont été
partagés, divisés, à la suite d'un décès par exemple, il peut arriver que des
frères, ou des parents comme oncle et neveu..., constatant qu'il serait plus
rentable pour chacun d'eux de cultiver une exploitation plus importante, en en
partageant les revenus, décident de s'associer. Le contrat dressé pour prendre
acte de cette décision se nomme affrairement, s'il s'agit d'une association entre frères, ou
simplement association,
s'il s'agit de personnes sans lien fraternel. Dans les deux cas, le contrat
fixe très exactement ce qui est mis en commun : terres, maisons, granges,
bétail... et les droits des associés au partage des revenus et, s'il est mis
fin à l'association, du capital.
Il
était fréquent, à cette époque, de procéder à des échanges de biens les
plus divers. Si l'un des lots offert en échange de l'autre lot était jugé de
moindre valeur, une compensation en espèces sonnantes et trébuchantes était
fixée d'un commun accord. Les échanges de terres contre des terres, de maisons
et-ou granges contre des maisons ou des terres sont monnaie courante; d'autres
échanges sont plus curieux, par exemple celui intervenu, le 2 mars 1615, entre
André Colomb et Cristol Guilleaume, de Bruis, soit une terre de 2 eymines de
semence contre un arbre
poirier et 32 sous.
En dehors des ventes de terres cultivables, qui n'offrent rien de
particulier sauf peut-être une étude sur la variation de la valeur de ces
terres, certaines ventes concernent de simples droits de passage, soit pour le
bétail (23 juin 1601), soit pour permettre aux 9 acquéreurs darrouser leurs
chenefviers et jardins (29 mai 1582), pour la somme de 3 florins 6 solz. Par
contre, d'autres ventes laissent transparaître la détresse des vendeurs, ainsi
le 21 février 1605 les enfants de Bertrand Joubert vendent un jardin d'un civayer
moyennant 36 solz pour
subvenir a la necessite dudict bertrand joubert leur pere qui est debtenu de
maladie corporelle et gisant dans son lict nayant de quoy salimenter...;
ou encore, le 8 novembre 1625, Michelle Arnaud, épouse de Jean Maffe, vend un chenefvier d'une eymine de grain
de chaisne (chanvre) de semence pour 21 livres, ... se voyant reduicte en viellesse
et sans pouvoir gaigner son pain pour estre abandonnée de son mary des long
tems et sondict mary aux augmonnes. Lorsqu'un redevable ne pouvait payer
la taille, la communauté, consuls, hommes, manans et habitans de la paroisse,
saisissait une des terres appartenant au cultivateur défaillant et la vendait
en règlement de la taille; c'est ainsi que le 14 mars 1616 les hoirs (héritiers) de feu
Pierre Bompar, de Bruis, se virent saisir et vendre un jardin d'un quart de
civayer pour 21 solz de taille non réglés.
Le vendeur peut introduire
une clause dans l'acte de vente pour protéger ce qu'il estime être son droit : Anthoine
Laurens, de Bruis, vend trois terres, l'une de six eymines, l'autre d'une
eymine et la troisième de 4 charges de semence avec les arbres plantés sur ces
trois terres, mais il se réserve la récolte des noix de l'année en cours.
Les contrats de vente
concernant les maisons étaient sans doute très clairs pour les vendeurs et les
acquéreurs même s'ils nous paraissent, aujourd'hui, un peu sibyllins. Le 20
février 1580, Aulban Borel, chirurgien à Bruis, cède la moitié de sa maison à
Jehan Conte, maçon, sans autre précision; nous sommes en droit de nous demander
dans quel sens la maison a été divisée. On vendait également le dessoubz d'une maison,
voire le quart du dessous d'une maison le 21 juin 1601! Mais, bien sûr, on
vendait également le dessus d'une maison, par exemple le 15 octobre 1582
Daulphine Lombard vendit le dessus de sa maison à Laurens Pellissier pour 12
écus d'or sol (au
soleil). Les autres bâtiments faisaient également l'objet de transactions, les
granges, les porcheries... dans les mêmes conditions que les maisons : la
moitié, le quart, le dessous ou le dessus. Les constructions plus ou moins
dégradées, plus ou moins ruinées, qu'on nommait chasal de maison, ou chasal de grange étaient aussi vendues;
l'acquéreur, exerçant généralement le métier de maçon, achetait en quelque
sorte les pierres.
Les ventes n'étaient pas
exclusivement réservées aux terrains, aux maisons ou au bétail, on vendait tout
ce qui était susceptible d'intéresser un éventuel acheteur. Le 9 octobre 1600,
Cristol Guilleaume, de Bruis, achète à Bertrand Colomb la moitié d'un noyer! Le
8 février 1621, Abel Caries, de Montmorin, vend à Jean Rassaut, de l'Epine,
tous les fenils
(foin) d'un pré d'une begue et les fruits des arbres fruitiers situés sur ce
pré, pour une période de 4 ans, moyennant 12 livres. En cas de disette, une
communauté achetait, si elle en avait les moyens, du blé pour le distribuer aux
habitants démunis; c'est précisément ce que fit la communauté de Ribeyret, le
14 février 1630, qui acheta 21 charges de blé, mesure de Serres, pour 375
livres. Il était également possible d'acquérir des droits, par exemple le droict de bannerage de molins a
ble (moulin banal) a
remusat, que le seigneur de Sainte-Marie céda aux habitants de Rémuzat,
le 1er janvier 1580. Ou encore, une pension annuelle et perpétuelle de 75
livres que Gaspar de la Rivière, seigneur du Val-Sainte-Marie, vendit pour 1200
livres à César de la Tour de Gouvernet, marquis de la Charce, le 23 août 1620.
L'acquéreur qui avait réglé
le montant de son acquisition n'était pas, pour autant, quitte envers son
vendeur. En effet, en application d'un arrêt royal (date?) les vendeurs sont es pouvoir demander une plus
vallue des fonds par eulx vendus... despuis lannee mil cinq centz huitante cinq,
sous certaines conditions. Il n'a pas été possible, pour l'instant, de
retrouver cet arrêt, lesdites conditions demeurent donc inconnues mais il est
aisé de constater que les achats de
plus-values sur des maisons, des terrains ou du bétail sont extrêmement
nombreux.
Ces ventes de biens
roturiers étaient soumises à un droit de mutation, lodz et ventes, que percevait le seigneur.
Le paiement de ce droit était constaté par l'investiture au cours de laquelle
l'acquéreur était investi par le seigneur, ou son représentant, du droit de
posséder effectivement ce qu'il avait acquis, cette investiture faisait l'objet
d'un acte notarié.
Les
minutes notariales faisant état d'un arrentement, ou affitement,
du provençal arrenda,
affita : prendre ou donner à bail, sont très fréquentes. Tout ce qui
concerne la vie et les activités agricoles pouvait être pris ou donné en
fermage, les terres cultivées, bien entendu, mais aussi les maisons, les
granges, les porcheries..., le bétail
gros ou menu pour l'élevage, les boeufs de labour loués pour le travail
des champs. Le montant de l'arrentement d'une paire de boeufs de labour
s'élevait en 1615 (11 octobre) à 51 livres. Quand il s'agit plus
particulièrement de bétail d'élevage, on utilisait de préférence le terme meyerie pour désigner ce
fermage, et celui qui prenait le bétail à ferme était le meyer, nom qui est devenu
un patronyme en Provence.
L'arrentement ne se limitait
pas aux terres, maisons et bétail. Le 19 février 1614, Anthoine de la Rivière,
seigneur de Bruis et en partie de Montmorin, donne quittance à Eyllie Gros de
la rente annuelle que ce dernier lui doit pour l'arrentement des molins a ble de Montmorin,
soit 46 charges de froment, 2 charges d'avoine, 1 pourceau gras et 6 chapons.
De même Loys de la Rivière, prieur de Saint-May, arrente les dîmes, y compris
les agneaux, de Cornillac à François Pais dudit lieu.
Le bénéficiaire de
l'arrentement, le fermier, avait la possibilité, s'il le désirait, de
sous-arrenter à un tiers ce qu'il tenait en fermage. Ainsi, de gros
propriétaires prenaient en fermage les biens et chevances, ou totalité des biens possédés par un
individu, et les donnaient en sous-arrentement à de petits cultivateurs, que
l'on appelait travailleurs de terre.
Certains habitants du
village étaient fréquemment requis en vue de donner une évaluation, en fonction
de leur compétence, soit des maçons pour apprécier la valeur d'une maison, soit
des cultivateurs lorsqu'il s'agissait de terres cultivables, ou bien pour
arbitrer un conflit et, dans ce dernier cas, sans doute choisissait-on ceux qui
étaient réputés les plus sages ou ceux qui possédaient le plus d'autorité
morale. Le notaire désigne assez souvent ces personnages à l'aide du terme prudhommes.
Chacun sait que la discorde
intervient souvent entre des personnes, qui s'entendaient bien, au moment d'un
partage, d'un héritage entre autres. Nos ancêtres réagissaient comme
réagissent, ou réagiraient, en ces circonstances bon nombre de leurs
descendants. Après vraisemblablement bien des discussions et des disputes, on
se rendait chez le notaire pour tenter de mettre au point un accord et transaction avant
proces qui seroyt estre mis et pendant. Ces accords et ces transactions
n'intervenaient pas uniquement en cas de partage des biens, mais aussi entre
deux parties intéressées à la réalisation d'un même objectif. Par exemple, les
habitants de Montmorin, le 21 janvier 1584, parviennent à un accord sur la
répartition de la taille; ceux de Bruis font de même, le 5 juillet 1599, pour
la dîme. Les protestants de Montmorin et Guillaume Jallabert, de Saint-Pargoire
en Languedoc, se mettent d'accord, le 8 janvier 1601, sur le salaire de ce
dernier en tant que régent (maître d'école) des enfants protestants de
Montmorin et sur la fréquentation éventuelle de l'école pour tous les enfants
qui manifesteront le désir d'y venir.
Il est évident que les
accords et transactions peuvent être conclus dans des domaines fort différents.
Le 23 septembre 1629, André Siméon, de Montmorin, ne pouvant continuer à
cohabiter avec son fils et la femme de celui-ci, auxquels il a donné tous ses
biens lors de leur contrat de mariage, désire se retirer et vivre seul; il
demande donc une pension, d'où accord et transaction entre le père et le fils.
Voici un autre cas, plus curieux : le 13 novembre 1609, une jeune fille de
Bruis, dont le nom ne sera pas révélé par discrétion, séduite par un jeune
homme également de Bruis, constate qu'elle est enceinte. Son père et elle-même
engagent des poursuites contre le séducteur qui refuse le mariage, mais au
cours d'une entrevue chez le notaire entre la jeune fille, accompagnée de son
père, et le père du séducteur, elle consent à abandonner les poursuites
moyennant 17 écus et 2 eymines de froment!
Toutes ces démarches
(ventes, arrentements, accords et transactions, contrats divers...) ne sont pas
toujours aisées à mener à bien lorsque les intéressés ne résident pas sur
place. Il suffit, dans cette hypothèse, de se rendre chez le notaire et de
désigner une personne de bonne moralité, de préférence, habitant le bourg où
l'on a, ou pourrait avoir, des intérêts et de nommer cette personne procureur; ce qui lui
permettra d'agir, en tant que procureur, aux lieu et place de son mandant pour
toutes les opérations le concernant et d'éviter ainsi à celui-ci, dans une
certaine mesure, les ennuis inhérents à toute procédure.
Les acquéreurs de biens et
les débiteurs divers n'avaient généralement pas les moyens de régler
immédiatement leur dû, ils signaient donc une reconnaissance de dette pour tout
ou partie de la somme à payer, ce qui donnait lieu lors du paiement partiel ou
total de la dette à une quittance, soit de nouvelles minutes notariales. Si les
reconnaissances de dettes sont très nombreuses à une époque déterminée, et plus
particulièrement pour du froment, on peut en déduire une disette, voire une
famine, presque à coup sûr; c'est ce que l'on constate, dans la région de
Montmorin, au printemps de l'année 1580, de même qu'au début de 1599. Il serait
malheureusement facile de multiplier ces exemples. Par ailleurs, ces
reconnaissances de dettes et ces quittances permettent de se faire une idée sur
les fortunes, ce sont en effet toujours les mêmes personnes qui prêtent de
l'argent ou du grain.
De temps à autre, une
personne proposait à la communauté de lui fournir une marchandise quelconque,
généralement du pain ou du vin, parfois de la viande. Cet accord faisait
l'objet d'un bail a tenir
pain, ou vin ou viande, pour une durée d'un an, décrivant dans les plus
petits détails les conditions de cette fourniture. Deux ou plusieurs personnes
pouvaient s'associer pour prendre un tel bail; le 12 novembre 1605, Anthoine
Caries, Jean Siméon, François Truc, Auban Caries et Jean Huguvielh s'engagent à
tenir pain et vin pour la communauté de Montmorin, à raison de 7 liards le pot
de vin et 1 sou la livre de bon pain blanc. La boucherie, ou fourniture de
viande de boeuf, de veau, de mouton, de porc et de chèvre faisait également
l'objet d'un bail fixant le prix de chaque catégorie de viande pour un poids
déterminé.
Les
minutes notariales permettent aussi de consulter les divers prisfaits ou
devis : travaux agricoles (faucher, moissonner, bêcher...), maçonnerie,
menuiserie, serrurerie...
L'Edit
d'Henri II, de février 1556, rendait obligatoire, sous peine de mort, la déclaration
de grossesse des filles célibataires et des veuves, présumant l'infanticide
et privant ainsi l'enfant de baptême après une grossesse non déclarée. Les
notaires, aussi bien que les curés, pouvaient recevoir ces déclarations de
grossesse et, effectivement, on en trouve un certain nombre dans les minutes
notariales.
Il est impossible d'énumérer
tout ce que l'on peut découvrir dans ces minutes, cependant qu'il nous soit
permis de citer un dernier exemple. Lorsqu'un individu venait s'installer dans
une nouvelle juridiction seigneuriale, il était tenu de rendre hommage au
seigneur du lieu, cérémonie qui se déroulait en présence du notaire, ce dernier
en dressait un acte authentique constatant que le nouveau venu se reconnaissait
sujet du seigneur et, en échange, qu'il en recevait un fief.
et
TESTAMENTS
Les minutes notariales nous
offrent un large éventail des préoccupations d'un individu quelconque ou de
plusieurs protagonistes, voire d'une communauté dans son ensemble.
Une minute peut se réduire à
une seule ligne, simple quittance très brève, ou comporter plusieurs pages :
contrats divers, testaments, transactions aux clauses multiples et compliquées.
Le contrat de mariage et le
testament, auxquels on peut joindre l'inventaire après décès, quand il a été
conservé, sont certainement les documents les plus intéressants et les plus
révélateurs pour l'histoire des familles.
Dans les diverses minutes
notariales, où il est question d'une certaine somme d'argent, le terme
« livre » est généralement suivi de la mention "valeur de
l'édit". Ceci fait référence au dernier édit royal, il y en eut plusieurs,
précédant ladite minute et fixant la valeur intrinsèque ou la valeur nominale
de la monnaie, valeurs fluctuantes.
Deux transcriptions seront
présentées ci-après : un contrat de mariage, choisi parmi d'autres en raison
des précisions qu'il apporte du point de vue de la généalogie et de la fortune
des contractants, et un testament, retenu pour les legs extrêmement détaillés
consentis à la conjointe du testateur ainsi que les prévisions d'éventuels
décès en cascade des différents héritiers.
Avant de faire bénir leur union
par le prêtre, ou le pasteur, les futurs époux, accompagnés de parents et
d'amis, se rendaient chez le notaire pour faire établir un contrat de mariage,
ou "paiches" de mariage (du provençal « pache » : acte).
Durant toute la période précédant d'une part la tenue des registres de
catholicité, dans lesquels le curé inscrivait les mariages, les baptêmes et les
sépultures, et d'autre part la mise en place du mariage civil sous la
Révolution, ce contrat était la seule preuve de l'union du mari et de la femme
et, par suite, de la légitimité des enfants. Ceci explique sans doute que les
futurs conjoints, même les plus démunis, demandaient au notaire de dresser ce
contrat, témoignage du mariage projeté.
Parfois, les intéressés
s'adressaient, pour des raisons qui nous échappent, non pas au notaire royal et
delphinal mais à un notaire apostolique et ce dernier, bien souvent, rédigeait
les minutes sur des feuilles volantes, au lieu de registres, et ne les
faisaient pas insinuer ou enregistrer. Ainsi le 25/06/1606, Jean BOMPAR, fils
de feu Pierre, et Jeanne CLEMENTZ, fille de feu Jean, de BRUIS, furent obligés
de faire régulariser leur contrat de mariage après 40 ans de vie commune et de
faire également légitimer leurs trois enfants! Il ne s'agit pas d'un cas isolé,
la même mésaventure survint à d'autres couples.
Selon l'humeur du notaire ou
du clerc les formules d'introduction du contrat de mariage peuvent varier, on
passe d'une présentation expliquant le but du mariage : « comme soit
ainsin qua loneur Gloire et louange de dieu et pour laugmanta(ti)on de lumain
linage » à une rédaction plus dépouillée constatant simplement que X a
l'intention d'épouser Y et vice versa. Cependant dans tous ces contrats, le
notaire ne garantit nullement que le mariage aura vraiment lieu, il dit
seulement que le « mariage a este traite et saccomplira dieu
aydant ».
En règle générale, le
notaire indique la filiation, l'âge, parfois la profession des futurs époux.
Outre les père et mère, le texte suivant nous livre les noms des grands-parents,
oncles, tante et cousins de la jeune fille, et des oncles, beaux-frères et
cousin du jeune homme. La religion est clairement indiquée ou bien elle n'est
que suggérée. Dans le contrat ci-dessous nous constatons que le mariage sera
célébré en "Lesglise catholique appostolique Romaine", ce qui suppose
l'abjuration préalable de Cibille ARNAUD, fille d'Isaac et protestante
(« Cibille » est à lire Sibille ou Sybille ; Isaac Arnaud et
toute sa famille appartenaient à la religion réformée). Abjuration sans doute
de pure convenance puisqu'il est prévu qu'elle sera libre, « pour le faict
de sa consiance », d'aller où bon lui semblera, sous-entendu au prêche,
car « sans ceste condition » le contrat n'aurait pu être conclu.
Il est sage de prévoir
comment résoudre le problème posé par des religions différentes. Faute de
l'avoir fait, le 25 avril 1648, Michel RASAUT, fils de feu Jean, et Judy POUX ,
fille de Jacques, de MONTMORIN, résilient le contrat passé le 22 janvier 1648
devant maître ROCHAS, notaire à GAP, parce qu'ils sont « lun de lesglise
Catolique Romaine et Lautre de la Religion Reformée », ils précisent qu'il
n'y a entre eux ni « Crime ni blasme » mais uniquement « la
Discorde et mesinteligeance des(dictes) Religions ». La différence de
religions n'avait cependant pas semblé poser de problème lors de la passation
de l'acte, en janvier.
L'état de fortune des deux
familles contractantes est souvent révélé par les dons consentis aux futurs
époux qui sont dotés par leurs père et mère, et par d'autres membres de la
famille ou amis; mais le terme "dot" n'est employé que pour ce qui
est donné à la fille, il serait plus exact de dire ce qui est remis au futur
époux au nom de sa future femme, en effet celle-ci est à cette époque
juridiquement et financièrement incapable, le mari est donc selon la formule
habituelle « maître et seigneur des biens dotaux » de son épouse.
Cette dot comprend, en principe, du mobilier, lit garni et coffre fermant à
clef, des vêtements ou du tissu, des brebis et des agneaux, de l'argent, une
somme plus ou moins importante, rarement des bijoux. L'expression « joyaux
nuptiaux », dont il est question dans le contrat entre Pierre CHABAL et
Cibille ARNAUD, désigne en fait une somme d'argent, trente livres en
l'occurrence, et non pas de véritables joyaux ou bijoux. Le règlement de la dot
s'échelonne sur plusieurs années; en cas de décès prématuré de la jeune femme,
l'époux doit restituer à sa belle-famille ce qu'il a déjà perçu (le 15 ao–t
1607 : 75 livres).
Fréquemment, les futurs
époux se font mutuellement un don en nature ou en espèces, se constituant
réciproquement un bien propre.
Les donations entre vifs
intervenaient parfois peu de temps après la consommation du mariage, Michel
JOUBERT, fils de Guilhaume, et Phelippe BERNARD, fille de feu Aulban, son
épouse, de MONTMORIN, qui ont signé leur contrat de mariage le 3 mars 1578,
procèdent à une donation entre vifs le 17 juin de la même année.
Il est très rare qu'une
donation des « biens meubles presans et advenir » soit consentie pour
l'un des deux futurs époux; c'est cependant ce que fait Dauphine CARIES, mère
de Pierre CHABAL, en faveur de son fils, ne réservant pour son usage personnel
que trente livres et ce que lui a légué son défunt mari, Anthoine CHABAL, pour
assurer sa « nourriture et son entretenement ».
Certains contrats de mariage
présentent une situation peu courante. Par exemple, le 18 octobre 1630, Abel
MEYNAUD et Marguerite OBERIC, de MONTMORIN, se rendent chez le notaire, avec
tous leurs parents et amis; mais Abel MEYNAUD est muet, il ne peut donc faire
part de son intention d'épouser Marguerite; ses témoins et conseillers (outre
les père et mère, des parents proches ou des amis doivent donner leur avis sur
le mariage projeté) déclarent alors : « attendu que ledict abel meynaud est
prive de la parole ont promis et prometent pour Icelluy quil prendra et
esposera ladicte marguerite oberic ainsin quilz cognoissent par les signes que
ledict abel meynaud leur a faitz ».
Sous l'Ancien Régime, comme
de nos jours, le testament était destiné à exprimer les dernières volontés d'un
mourant, mais le testament nuncupatif, le plus fréquent, dicté au notaire
revêtait une forme particulière où la religion était présente.
Dès qu'un individu était
malade, alité, et qu'il avait l'impression d'être proche de la mort, il
appelait le notaire, quelle que soit l'heure, que le testament mentionnait
d'ailleurs lorsque le notaire le jugeait utile, par exemple « deux heures
de la nuit », soit deux heures du matin. Le notaire accourait, accompagné
de plusieurs témoins qu'il avait « requis et appelles ».
La plupart des testaments
semblent coulés dans le même moule, avec des clichés semblables. Le testateur
est « gisant » dans son lit, mais en possession de toutes ses
facultés; il exprime quelques banalités sur le caractère inéluctable de la
mort, cependant Jaume FAURE, dont le testament est donné ci-après, n'éprouve
pas le besoin de philosopher sur ce thème.
Ce préambule terminé, le
testateur recommande son âme à Dieu, sollicitant pour le pardon de ses péchés
l'intercession de Jésus-Christ, parfois de la Vierge Marie et de tous, ou
certains, saints. Espérant ainsi avoir sauvé son âme, pour le repos de laquelle
il exige souvent des messes ou des neuvaines; il songe à son corps et ordonne
de l'inhumer près des sépultures de ses parents, ses
« predecesseurs », avec les prières et oraisons habituelles.
Lorsqu'il n'est pas précisé
explicitement que le testateur est protestant, il est généralement dit que
l'inhumation doit respecter le cérémonial prescrit par la religion réformée,
hors la présence d'un prêtre, on peut également sans grand risque d'erreur
postuler l'appartenance de l'intéressé à la religion réformée quand
l'invocation à la Vierge Marie et aux saints et les demandes de messes et de
neuvaines font défaut.
Puis, le testateur indique
les legs qu'il entend faire. Tout d'abord, un legs aux pauvres de, ou à,
l'honneur de Dieu, pour marquer le respect et la soumission du testateur à l'égard
de Dieu. Le legs aux pauvres consiste généralement en une certaine quantité de
blé ou de seigle, en principe sous forme de pain; parfois, comme dans le
testament de Jaume FAURE, on y adjoint des légumes, fèves ou pois, convertis en
potage ou soupe; les testateurs sont quelquefois encore plus généreux, Jaume
BRUNEL et Anthoinette COUZIN, mariés, ajoutent dans leur testament commun,
rédigé à ROSANS, le 26 novembre 1635, « Une Escuelle plaine de Vin »
pour chaque pauvre.
Pain, potage et vin ne
constituent pas les seuls legs possibles aux pauvres. Par exemple, Catherine
ODDE, femme de Benoit CHAMBON de CHAUVAC, ordonne dans son testament du 28
octobre 1632, « quil Soit habilhe trois pauvres filhes dud(ict) Lieu de
chauvac de Sarge moitie Layne et moitie chanvre ».
Le legs d'une certaine somme
d'argent à l'église est plus rare; le 29 septembre 1640, Jacques LAGET de
ROSANS lègue néanmoins 60 livres à l'église de la religion réformée.
Viennent ensuite les legs
aux enfants « legetimes et naturelz » et, bien souvent, en premier
lieu les filles mariées, donc déjà dotées et qui, de ce fait, ne peuvent
prétendre à une part d'héritage, sinon minime : quelques sous. Les filles non
mariées reçoivent, en principe, une part plus importante que les garçons à qui
l'on donnera un métier. Le testateur leur lègue en général une somme d'argent,
des meubles parmi lesquels figurent pratiquement toujours un lit garni et un
coffre fermant à clef, et du bétail. Cela correspond en gros à la dot et les
versements fractionnés de ce legs seront échelonnés jusqu'au moment où la
bénéficiaire se "collocquera en mariage". L'héritier universel devra
marier ses soeurs célibataires et faire apprendre un métier à ses jeunes
frères; en attendant le mariage des unes et lamajorité des autres, il est tenu
de les nourrir, les habiller et les chausser, en échange du travail qu'ils
fournissent selon leur force et leur capacité.
Si l'épouse est toujours
vivante, le testateur énumère, avec plus ou moins de détails, ce qu'il lègue à
sa « femme bien aimee » selon l'expression consacrée; il ne faudrait
pas en déduire que la vie conjugale ne comportait aucun nuage.
Le testament de Jaume FAURE
[Cote 1E 1880] est exemplaire quant aux legs consentis à sa bien aimée femme
Marie ABRARD. Tout est prévu : ou bien elle vit en paix avec son fils aîné,
héritier universel, et elle demeure « mestresse » des biens et des
récoltes (« fruits »), qui appartiennent à son fils mais qu'elle gère
en bon « paire de famille », locution cocasse lorsqu'on l'applique à
une femme, ce qui revient à dire qu'elle est en quelque sorte usufruitière; ou
bien elle ne peut s'entendre avec son fils, et ce dernier doit lui verser une
pension à la fois en nature et en argent, et lui laisser un corps de bâtiment
pour son logement. Ces dispositions deviendront nulles et non avenues si la
veuve se remarie, elles ne produisent leur plein effet que durant le temps où
Marie ABRARD « Vivra Viduellemant » et « tant quelle sera aux
humains », autrement dit sa vie durant.
Suivent les legs aux enfants
posthumes éventuels, garçons ou filles, quand la femme est encore en âge de
procréer. L'héritier universel, en Dauphiné, n'est pas obligatoirement le fils
aîné, cela peut être une fille, voire le conjoint.
Il peut arriver, après le
décès du testateur, que quelques personnes, non citées dans le testament,
prétendent à une part de l'héritage. Si cette hypothèse est envisagée, le
testateur leur lègue cinq sous s'ils se font connaître.
Enfin, Jaume FAURE envisage
le décès de ses héritiers, les uns après les autres, et la translation des legs
qui s'ensuit; il prévoit aussi l'éventualité où son testament serait contesté
en tant que tel et il demande qu'il soit alors considéré comme une donation
"a cause de mort".
estrait aud(ict) testateur
Testemant pour Jaume faure a feu Jean
des arches mandemant de brueis1
Au
nom de dieu amen sachent tous presants et advenir
que
Lan Mil six Cents trante cinq et Le dixiesme Jour du mois
de
Julliet avand midy Mil six Cents trante cinq pardevant moy
note(re)
royal dalphinal et en presance des tesmoingz cy appres
nonmes
estably en personne Jaume faure a feu Jean des
arches
mandemant de brueis Lequel de son gre estant mallade
gisant
dans son Lit detenu de malladie corporelle qua pleu
a
dieu Luy envoier toutesfois sain de ses sans memoire et
entandemant
bien Voyant oiant et entandant conciderant a
La
mort et quil Vaut mieux a Ung Checun mourir avoir fait
testemant
que dexseder sans testemant ses choses conciderees
par
ledict testateur a fait et ordonne son testemant
numcupat(if)
<page coupée>
sa
dispozi(ti)on finalle numcupatifve en La forme que sensuit
et
premieremant a Recomande son ame a dieu Le suppliant
par
La Mort et passion de son filz Jesus Crist Luy Voulloir
pardonner
ses fautes et peches lhors que Leur bon
plaisir
sera La tirer de son Corps la Collocquer au Royaulme
celleste
de paradis pour Illec avec Les Saints bienheures
Jouir
de La beatitude eternelle disant au nom du pere et
du
filz et du saint sprist et premieremant a ordonne
que
lhors que son ame sera separee de son Corps destre enterre
au
semetiere dud(ict) brueis et proche la thumbe de ses
predec(e)sseurs
Voullant qua son <mot rayé>
Enteremant qua son
enterremant
soit appelle le preb(stre) et Cure dud(ict) Lieu pour
dire
et Cellebrer les prieres et oresons a ce requises et
necessaires
en Remission de ses peches et a ordonne qui sera
fait
Une nouveyne chargent son heritier cy appres
nonme
de Le Contanter a la forme acoustumee / et donne
a
ceux qui Lenterreront au Checun trois soulz qui
seront
paies par son heritier Item donne led(ict) testateur
aux
pouvres alhoneur de dieu dud(ict) brueis deux eymines
seigle
et deux eymines febves ou poix mesure dud(ict) brueis les febves
converties
en poutage et La seigle en pain et distribuees aux pouvres
dud(ict)
brueis La moitie dans trois Jours appres son dexses et La
reste
le dernier Jour que la nouvaine finira / Item Ledict
testateur
donne et Legue par droit de Legat et Institu(ti)on
hered(itai)re
et particulliere a Margueritte faure sa fille femme de
gaspard
colomb <mot rayé>
cinq soulz outre Le dot quil Luy a donne
en
son Contrat de mariage paiables lhors que la derniere paie
dud(ict)
dot sera espiree et avec Cella Veut quelle soit contante
et
ne puisse au(tre) chose demander sur ses biens et heritage
Len
escluant au moien de ce / Item Ledict testateur donne
et
Legue a Lucie beatrix et anne faures ses filles naturelles
et
Legetimes et a La Checune dicelle septante cinq Livres
Valleurs
de Ledict a la Checune et Ung Lict garny Cellon
Leur
Callitte Une Caisse fermant a Clef trois fees et
trois
anouges femeaux paiables a La Checune trante
neuf
Livres lit Caisse et La moitie des brebis le Jour
quelles
se Collocqueront en mariage et Les trante six
Livres
restants en six paies esgalles de six Livres La
checune
et les trois brebis restants la seconde paie qui
comanseront
Ung an appres La premiere et ainsin
contignuant
Jusques a paiemant entier sans qune paie
puisse
surmonter Lautre sans Legetime demande et Jusques
a celle
quelles soient collocquees en mariage Veut et
entand
quelles soient Vestuees Chaussees et norries
par
Son heritier cy appres nonme en travalhant de <mot
rayé>
Leur
pouvoir sur lesd(icts) biens et avec Cella les esclut <mot
rayé> de sesd(icts) biens
sans
autre Chose pouvoir demander / Item Ledict testateur
donne
et Legue a Guilhen Jean et francois faures ses
enfans
naturelz et Legetimes et au Checun deux douze
Livres
Valleurs de Ledict et Une brebis au Checun paiables
lhors
quilz auront attaint Leage de Vingt cinq ans et avec
cella
les esclut de sesd(icts) biens sans autre Chose pouvoir
demander
et prethandre sur sesd(icts) biens Voullant quilz
soient
nourris et entretenus sur sesd(icts) biens par sond(ict)
heritier
Jusques a ce quils soient en estat de gagner leur pain
en
travalhant de leur pouvoir sur sesd(icts) biens / Item Ledict
testateur
donne et Legue a marie abrard sa bien aimee femme
sa
Vie [durant] norritture et entrete(ne)mant sur sesd(icts) biens Voullant
et
entandant quelle soict norrie par sond(ict) heritier honestel
cellon
sa quallitte tant quelle Vivra Viduellemant et au cas quicelle
ne
peut Vivre et demeurer
en
paix avec sond(ict) heritier lui donne et Legue Une pan(ti)on
anuelle
tant quelle sera aux humains scavoir de
neuf
eymines bled fromant neuf eymines seigle mesure
dud(ict)
brueis bled de resepte huit Livres lart salle huit Livres
fromage
bon sec et de Resepte trois livres <mot rayé -
première rédaction : trante sous> argent pour
sel et huille
six
Charges boix paiables a toussaints Une Chemisse Ung
devante
Ung Coullaret Ung Couvrechef le tout toille de maison
tous
Les ans Une Robbe Unes manches et Ung paire bas et
de
soulliers de deux en deux ans Ung Lit compose dun
coutrieu
Ung Cuissin deux Linseulx Une couverte de trois en trois ans sauf la
cou(v)ert(e) Ung membre de sa maison pour son habitage Une arche
pour
tenir son bled et une oulle et tous autres Meubles
Item
donne a la postume que sa femme porte ou pourtera cy
elle
est ensainte cy sont masles mesme legat et cy sont de filles
mesme
legat quaux autres soubz les mesmes paies qualittes et condi(ti)ons
que
ausd(icts) Guilhen Jean et francois faures cy devant nonmes
Ut
supra
necessaires
sellon sa quallitte et appres sa mort sera
estainte
et assouppie Voullant ledict testateur et ordonant
que
sad(icte) femme tant quelle demeura en paix avec sond(ict)
heritier
quelle soit mestresse de tous leursd(icts) fruits et biens en
travalhant
et mesnagent en bon paire de familhe / et en
tous
et checuns ses autres biens quil na donnes ny
Legues
a de sa propre bouche nonme et surnonme son
heritier
Universel Clemant faure son filz naturel et
Legetime
auquel a Enjoint paier tous ses debtes et
Leguatz
et faire les Choses par luy cy dedans prescriptes
et
au Cas quil Vint a mourir sans enfants naturelz et
Legetimes
a sustitue a son Lieu droit et place ledit guilhen
faure
et en Cas que ledict guilhen faure Vint aussy a mourir
sans
enfans naturelz et Legetimes a sustitue ausd(icts)
biens
ledict Jean et au Cas que Ledict Jean Vint aussy
a
mourir sans enfants Legetimes et naturelz a sustitue
aud(ict)
francois et arrivant encore le dexses dud(ict) francois
sans
enfants Legetimes et naturelz a sustitue lesd(ictes)
marg(uerit)te
Lucie
et beatrix faures ses filles les aynees par prefferance
soit
Vulgairemant ou pripillaremant2 et cy les Legataires
Venoint
a mourir sans enfants ou avant quilz feussent
collocques
en mariage Veut le testateur que leur legat
Vienne
de plain droit aud(ict) heritier sans quilz en puissent de
rien
disposer Voullant et entandant ledit testateur que
Le
presant soit son dernier et Vallable testemant numcupatif
sa
disposi(ti)on finalle numcupatifve et cy ne peut Valloir par
testemant
Veut quil Valhe par Codicille ou donna(ti)on a Cause
de
mort et par tout autre moien que de droit mieux pourr(a)
Valloir
priant et requerant ledict testateur les tesmoingz cy
appres
nonmes par luy cognus lun appres Lautre estre
racordz
de se presant testemant pour en porter tesmoinage
de
Veritte quand Ilz en seront requis et moy note(re) den faire
actes
ce que Jay fait et publie aux arches mandemant de
brue(is)
<page coupée>
aux
presances de Messire honore peyrrache preb(stre) dud(ict) brueis
Louis
bompar a feu Jean habittant a montmorin francois
et
anthoine abrardz pere et filz estienne abrard phellip
abrard
a feu barthelemy guilhen Gautier a feu Jean dud(ict)
brueis
tesmoingz requis et appelles soubs(ig)nes lesd(icts) peyroache
et
bompar le testateur et autres tesmoingz nont seu
escripre
de ce enquis /3 Voullant que au Cas quarrivast
disgrace
de malladie a lun desd(icts) enfantz ou filles de malladie
ou
autremant quen Laissant son Legat sur leritage sera
nourry
par sond(ict) heritier4 dans la maison dud(ict) testateur
<signatures des
témoins>
et
Moy allexandre gielly note(re) royal dalphinal hered(itai)re
resepvant
soubs(ign)e mestant espresemant achemine aux arches
au
requis dud(ict) Clemant faure
<signature du
notaire>
(1)
Bruis
(2)
En premier ? Principalement ?
(3)
Il semble que ce renvoi soit à insérer avant la mention du legs consenti aux
éventuels enfants posthumes
(4)
L'appel du renvoi fait défaut dans le texte, sans doute faut-il le placer après
le mot "brueis", cinquième ligne ci-dessus
Tous les
testaments ne sont pas aussi détaillés et explicites. Par contre, le testament
est probablement le seul acte notarié qui dresse la liste exhaustive de tous
les enfants vivants du testateur à une date donnée.
Si l'étude d'une
table des sépultures autorise le chercheur à supposer l'existence d'une
épidémie quelconque quand le nombre des décès excède largement la moyenne
habituelle, les testaments peuvent apporter une précision supplémentaire.
Ainsi, à ROSANS,
de juin à septembre 1640, les testaments se succèdent à un rythme anormal et
les testateurs font tous allusion à la « crainte » d'une maladie
contagieuse, la peste vraisemblablement, l'un d'eux Pierre des EYMARS, le 26
juillet, reconnaît être atteint d'une « malladie contagieuse » dont
plus de 150 personnes sont déjà décédées. Certains, comme Anthoine BONNET, le
20 juin, font leur testament au « quartier de Linfirmerie donne aulx
personnes Infectees de La(d)ite malladie ». D'autres indiquent que
plusieurs de leurs proches, conjoint, enfants, parents ont déjà succombé au
mal.
L'orthographe a
été scrupuleusement respectée; les abréviations sont restituées entre
parenthèses, selon la graphie la plus fréquente.
mil six centz Vingt deulx Environ Une
heure
appres Midi Je Notaire Roial delphinal
Soubzne
ayant este Requis par Ung certain
homme quy
ma dict se Nommer Pernet fueillet du
Lieu de st
gervais au bas Vallantinois quy ma
dict avoir
charge dung gentilhomme son maistre
quy fust
blesse Le Jour dhier au soir de
macheminer au
Lieu ou Il me Conduira pour Recepvoir
Certain
acte quil Veult fere entre mes mains
En Suitte de
Laquelle Requisition me suis
transporte de la
Ville de grenoble Lieu de mon
habitation au pont
Escarpin hors Lade Ville du Coste de
La porte de
trescloitre et en La Maison de Madame
de Sezerin
ou estant Jay trouve Noble George de Moretton
sieur de Chaumiane gisant dans Ung
Lict Lequel
Ma Remonstre En La presance des
tesmoins au bas
du presant acte avecq Moy Soubsignés
que Le Jour
dhier estant sorty de Ladicte Ville de
grenoble ° avecq
Ung gentilhomme Nomme Le sieur de
Montmorin
et quelques aultres pour se promener
Il fut Invité
par Luy daller plus avant du Coste ou
est Le
Couvent des peres Minimes de Ceste
dicte Ville de
grenoble ce que Luy ayant accorde Ils
entrerent
Insensiblement dans quelques propos
sur Lesquels
Ledt sr de Montmorin Le Convia de
mettre La main
a Lespee ce quils firent Lung et
Laultre # et sen
porterent quelques Coups en telle
sorte quil se treuve
blessé en trois divers endroictz
assavoir au Visage
au bras droict et dans Le Corps a La
poictrine
Laction ayant este terminee par Lesdtz
gentilhoes
quy estoient avecq eulx Lesquels
ayantz mis Lespee
a La main Les separerent appres
Lesquelles blesseures
Il fut porte au pnt Lieu ou Il fut Veu
hier au
soir par Ung certain quy pourroit
estre Magistrat
auquel Il declara quil avoit este
blesse par
Ledt sr de Montmorin son mal ne Luy
ayant
permis de Luy dire au Long comme Le
tout Cestoit
passé et encore auiourdhuy au matin
ayant este
Veu et Interrogé par Le mesme
Magistrat La
Violance de sa doleur et Lextremite en
Laquelle
Il ce treuve par Le moien de ses
blesseures Ne Luy
ont permis de faire aulcune Responce
que par
quelques Mots entrecouppés et signes
et Neantmoins
Il a prins garde quon a escript
plusieurs choses
et estant Revenu Ung peu a soy Luy a
donne beaucoup
dapprehention en Lestat auquel Il est
Reduict destre
encore travailhe et Inquiette par La
Justice et mis
en prevention bien que Il se treuve
blesse et que
sans aulcung dessain Ne premeditation
Il se soit
treuve porte au susdt Lieu et ayt este
contrainct
Sur Les parolles arrivees entre Ledt
sieur de
Montmorin et Luy de mettre La main a
Lespee
et Neantmoings sachant Veritablemt
Laction estre
Survenue Inopinement et sur Les
discours ausquels
Ils sont tombés entreulx aulx susdtz
Lieux et
quelle cest passee honnorablement et
sans supercherie
Ce quil declare pour La descharge de
sa Conscience
se Voiant en grand danger de mort et
affin que La
presante puisse servir en Jugement sy
besoing est
Il a dabondant declare avecq Le
serment quil a
preste entre mes mains Icelle contenir
Verite et
ma Requis en La presance desdtz
tesmoins avecq
moy soubznes de Luy en octroier actes
et Iceulx
Remettre en estant Requis entre Les
mains du susdt
Magistrat et aultrement Les
Representer en Justice
et affin quau preiudice de sadte declaration
Ne soit
faict quelque procedure Il ma Requis
Voulloir mettre
Le presant acte en La Notice dudt
Magistrat ne
Mayant sceu dire quy Il estoit faict
audt Lieu comme
dessus et en La pnce de Noble Louys de
Simiane
prieur et Seigneur de Lagrand Noble Claude
de Simiane
de la Coste Seigneur de Montbivol [actuel.: Montbivos] coner du Roy en La
Cour de parlement du dauphine ses
parans Noble
bertrand dheurre sieur de brettes
aussy son parant
Noble Louys du four Coner du Roy
Resferendaire en La
Chancellerie de ce pais Mr Mre Jehan
almeras
docteur en Medecine Mre aulzias aymar
Chirurgien
Mre pierre berard appotiquaire Mre bon
françois
bret de Crest advocat en La Cour Noble
bertrand de
fassion de ste Jay tous tesmoins
Requis et soubsignes
avecq Ledt fueillet Ledt sr de
Chaumiane a declare
ne pouvoir signer a Cause de
Lincommodite de ses
blesseures de ce enquis / ° a
cheval # appres quils
eurent tous deux mis pied a terre
Signatures
Et moy francois Givoudan Notere Roial
dalphinal Recepvant Soubzné
Signature
du Susdict Jour et Ung peu appres La
Reception
du presant acte au mesme Lieu que
dessus
Seroit Survenu Monsieur Maistre Louys
Vachon coner du Roy Lieutent particullier
au balliage de graisivodan accompagne
du
substitut du sr procurr du Roy audt
balliage
et de son greffier Lequel ayant heu
Notice
du susdt acte de declaration Mauroit
enjoinct
de Luy en faire Lecture ce que Jay
faict a mesme
Instant et appres Icelle avoir
entandue Ma encore
enjoinct de Luy en faire Une
expedition pour
sen servir ainsy quil Verra et cest
Ledt sr
Lieutenant soubzne avecq Ledt subt du
sr pcur
du Roy et greffier dudt balliage et
Moidt Notere
Signatures
Expedie au sr
Lieutent du
balliage
Expedie a la
dame de Chabrillan
mere
dudt sr
de
Chaumiane